Live Smart et le projet «betonstop 2040 » (stop au béton 2040)
L’arrêt du béton en 2040 : la vision du promoteur immobilier Live Smart — « vivre séparément, mais ensemble »
Leo Van Broek, Bouwmeester flamand, a récemment lancé le débat sur l’arrêt du béton, dans lequel il s’en prend principalement aux lotissements classiques et à l’habitat linéaire. Nous devons, selon lui, nous tourner vers des formes d’habitat adaptées qui nous rapprocheraient les uns des autres, tout en épargnant la nature. Mais le Flamand moyen rêve d’une propriété (isolée) avec jardin… Devra-t-il abandonner son rêve et revoir ses ambitions à la baisse ?
En qualité de promoteur immobilier, Live Smart réfléchit à des idées d’avenir et souhaite prendre part au débat. Vous trouverez ci-dessous notre interprétation de l’habitat de demain et les raisons pour lesquelles la vision de notre architecte devrait tout de même pouvoir nous satisfaire.
LE PARADOXE DU respect de la vie privÉe
Pour une question de respect de la vie privée, le Flamand a commencé, au cours de la dernière décennie du 20e siècle, à opter, seul ou en famille, pour un habitat isolé. Les contacts spontanés avec les voisins ne figuraient plus à l’ordre des priorités, jusqu’à devenir indésirables. Ce glissement des besoins en termes d’habitat est une réaction tout à fait compréhensible au mode de vie des générations précédentes, qui vivaient en grandes familles. La vie privée a été progressivement assimilée au luxe et au progrès. Mais cet isolement, que nous nous sommes imposé à nous-mêmes, dissimule un revers de la médaille que nous commençons seulement à entrevoir. La pression pesant sur les familles va croissant, puisque les activités se déroulent davantage au sein même du ménage. Conduire et récupérer les enfants à l’école, se rendre tous les deux au travail, braver les embouteillages, faire les courses… Les grands-parents habitent souvent trop loin ou vaquent à leurs propres occupations sociales. Les voisins ne proposent pas (spontanément) leur aide et les bavardages quotidiens ne sont plus d’actualité. Vivre seul — une situation que vit un groupe de plus en plus grand dans notre société — est perçu comme de l’isolement.
Nous commençons à comprendre que nous voulons rompre ce schéma. Nous sommes en quête d’un nouvel équilibre. Louée soit la vie privée, mais pas au détriment de tout le reste. Conséquence ? Les grandes villas des communes périphériques peinent à se vendre, ces dernières années. Pourquoi ? Notamment parce qu’entretenir un grand jardin demande des efforts considérables. Mais y a-t-il d’autres raisons ?
SHARING IS CARING
Les initiatives greffées sur l’économie du partage sont de plus en plus nombreuses à voir le jour. Comment expliquer ce phénomène ? Par le fait que les millenials accordent moins d’importance à la propriété. Le succès de l’initiative anversoise « Wasbar » a été fulgurant. Non seulement parce que les machines à laver proposées sont meilleures, mais aussi parce qu’y faire la lessive est plus convivial. C’est un lieu de rencontre entre personnes qui partagent des opinions communes.
Des clos résidentiels, étonnamment conviviaux, commencent à émerger en ville. Pas uniquement parce qu’ils se situent dans des rues fermées, mais aussi parce que les résidents vivent en partie ensemble. En sortant tables et chaises au milieu de la rue pour se retrouver autour d’un verre et papoter tandis que les enfants jouent et roulent à vélo. En pleine ville ! À Mortsel, plusieurs maisons mitoyennes encerclent une petite place verdoyante. Chacune des habitations a son propre jardin, mais donne sur cette place centrale, flanquée de bancs et de jeux pour enfants. L’idéal pour combiner vie privée et contacts sociaux quand bon vous semble. Nous devons donc nous tourner vers des formes d’habitat adaptées qui s’inscrivent dans cette philosophie, qu’il soit question de maisons ou d’appartements. Des formes d’habitat qui laissent la place aux rencontres entre individus, dans une aire de jeux partagée ou un atelier de réparation de vélos commun. Dans l’espace de travail de l’étage inférieur, consacré aux petites réparations ou au lavage de voitures. Ou dans le petit café, en bas. Un endroit où l’on ne vit pas seul, mais où l’on peut aussi vivre un peu ensemble. Et où l’on vit, paradoxalement, plus heureux.
LE PARADOXE DE LA NATURE
Qui parmi nous ne chérit pas la nature ? Flâner dans les bois est sain et rassérénant. Mais pourquoi donc ? Les Japonais ont inventé un terme pour ce phénomène : le bain de forêt ou Shinrin-Yoku. Ils consacrent de vastes études à ses effets curatifs depuis les années quatre-vingt.
Alors que la prospérité augmentait, nous avions l’impression de pouvoir individualiser la nature. De la faire nôtre. Pour pouvoir en profiter en toute tranquillité. Par quoi cela s’est-il traduit ? Des lotissements, composés de vastes parcelles et de grands jardins entourés de bois. Ou, dans le cas d’habitats linéaires, par des logements avec une superbe vue sur les pâturages à l’arrière. « Profiter de la nature sans sortir de sa cuisine ». Sans nous en apercevoir, nous avons commis l’une des plus grossières bourdes urbanistiques de l’histoire. En l’individualisant, nous avons étouffé la nature collective flamande, jusqu’à la rendre invisible. Les constructions linéaires ont barricadé notre paysage. Un problème particulièrement tangible en Flandre, où la « vraie nature » comme celle des Ardennes ou des polders néerlandais n’existe plus. Pourtant, le vert y est toujours présent. Il suffit de prendre le train pour filer à toute vitesse entre les pâturages et voir poindre, çà et là, la silhouette d’une ferme. Prenez l’avion, vous aurez la même impression. Il faut, dès lors, absolument préserver au maximum ce qu’il nous reste de nature, mieux la dévoiler et mieux l’entourer, de sorte à renouer le contact avec elle. Les lotissements et habitats linéaires offrent eux aussi cette possibilité, sous forme d’une aire de jeux ou d’un parc et de quelques bancs pour les habitants. Histoire de mettre à nouveau l’accent sur l’expérience de la nature. Et de recréer plus de nature à d’autres endroits. Rendre sa place à la nature, voilà le mot d’ordre.
Nous serons tous plus heureux quand nous aurons à nouveau l’impression d’avoir de la nature en Flandre.
QUEL RÔLE LE PROMOTEUR IMMOBILIER PEUT-IL JOUER DANS CE CONTEXTE ?
L’avenir passera par de nouvelles formes d’habitat, associés à des infrastructures vertes et de services collectives.
Ces infrastructures de services peuvent appartenir à la communauté. Prenons, par exemple, une aire de jeux, un jardin partagé comptant quelques bancs, un atelier collectif de réparation de vélos… mais peuvent aussi être exploitées de manière privée. Le bar à café, le bistrot, le magasin de cycles… L’essentiel, c’est que d’un point de vue financier, elles soient organisées de telle sorte que l’exploitant puisse développer un modèle commercial durable. Nous sommes disposés à l’aider dans cette entreprise. Non seulement en attirant ce genre d’initiatives dans nos projets, mais aussi en leur apportant le soutien nécessaire. Ce qui, à nos yeux, n’est possible qu’à condition que le promoteur ou les propriétaires du bâtiment fournissent des incitants financiers. En proposant un faible loyer pendant les cinq premières années, compensé par le promoteur. L’exploitant pourra ensuite continuer sa route en tant qu’indépendant. Les promoteurs se plaignent cependant des prix élevés des terrains et de la construction, entraînés à la hausse, ces dernières années, à cause de la réglementation énergétique. Le tout sur un marché où les prix de vente n’augmentent plus, ou pratiquement plus. Il n’y a donc aucune marge à consacrer à l’innovation dans ce domaine…
FAIRE FAILLITE OU DEMANDER L’AIDE DES POUVOIRS PUBLICS
Pour cette raison, nous adressons donc une demande aux pouvoirs publics, aujourd’hui plus que jamais partie prenante du débat. Nous leur enjoignons d’offrir aux promoteurs tels que nous l’espace pour construire ces infrastructures collectives et la possibilité de les mettre à la disposition des exploitants à bas prix. D’assouplir les principes urbanistiques inflexibles, si le promoteur y est disposé et si cela peut profiter à la société. De nous donner ces quelques mètres carrés supplémentaires pour servir la collectivité. La première mesure devrait passer par la réduction des rapports de parking, inutilement élevés, pour des parkings qui trouveraient place en sous-sol et qui occuperaient ainsi des espaces qui pourraient être mieux utilisés au profit des résidents. Des espaces qui pourraient être utilisés, par exemple, comme atelier de réparation de vélos, d’espace pour laver les voitures, d’ateliers pour petites réparations, etc. Ces normes strictes en matière de parking ne correspondent d’ailleurs, depuis longtemps, plus à la vision actuelle de la mobilité.
Nous, les promoteurs, avons donc besoin des pouvoirs publics afin de pouvoir construire de meilleurs environnements de vie. Ce n’est qu’ensemble, et en concertation, que nous pourrons façonner littéralement les formes d’habitat de demain. Il s’agit là d’une condition essentielle, sans laquelle les promoteurs ne pourront et ne prendront jamais le train en marche. Non pas parce qu’ils ne le veulent pas, mais parce qu’ils n’ont pas d’autre choix sur un marché fortement concurrentiel. Même Live Smart, malgré toutes les bonnes intentions du monde, n’y parvient pas. À l’instar des autres acteurs en tête de peloton, qui s’engagent eux aussi pour l’innovation, Live Smart se heurte à des obstacles qui nous freinent ou nous arrêtent dans nos avancées. Ce qui ne nous empêche pourtant pas de persévérer, de croire à notre passion et d’espérer montrer, ce faisant, le bon exemple à d’autres entrepreneurs désireux de s’engager sur cette même voie et de participer au renouvellement de notre société.
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